mercredi 14 avril 2010

Détente du ressort




Détente du ressort


J'aimerais retourner, ne serait-ce qu'un instant, dans la maison paysanne de montagne où je passais enfant de longues vacances d'été insouciantes. Comme alors, m'asseoir dans le grenier, dans la pénombre de la lucarne pendant l'orage, et jouir du fracas joyeux de l'eau sur les tôles ondulées du toit.
Une fois la pluie arrêtée, alors que le parfum intense des vieux meubles oubliés et des sacs de grains se mêle à l'odeur de terre humide et à la respiration lourde des arbres gorgés d'eau, me délecter du son des derniers gargouillis de l'eau qui tombe des gouttières. Ecouter le retour progressif du silence, l'entendre se répandre à nouveau, et se rompre seulement au grondement de quelque tonnerre lointain.
Souvenirs fanés, de jeunesse, réminiscences âpres et déchirantes de ces moments de vie traversés en toute inconscience joyeuse, expectatives lointaines, et innocentes, petites joies perdues, attentes trépidantes et espérances ignorantes surgiraient alors peut-être, par enchantement, des croisements disjoints du carrelage, et se mettraient à danser autour de moi à m'en faire perdre le souffle.
Tout du moins jusqu'au moment où, à l'improviste, un appel familier, peut-être lui aussi surgi de ces mêmes souvenirs lointains, ne me pousse, détente du ressort, à regarder ma montre.