mardi 25 mai 2010

Un songe, une idée





Un songe, une idée
(hommage à Cesare Pavese)


Scribe - « Ce sera le soir obscur et sans bruit aucun …
Alors que je pénètre le silence d'instinct
j'entends une complainte de Muse invoquer
aide du poète... »

Hésiode - Pourquoi ces vers ?

Scribe - … Qui est là ? Qui es-tu ?

Hésiode - Je suis un songe ; ou un homme. Je suis une Idée … Peu importe. Pourquoi ces vers ?

Scribe - J'étais absorbé par mon humble tâche : j'aime les lettres et je les cultive du mieux possible. J'ai perçu un vide désolant ; une Absence. Je cherchais à condenser en vers le sens de ce vide, et la hauteur de l'Inspiration. J'ai imaginé le découragement des dieux, la solitude qui est la leur aujourd'hui ; le chant mélancolique d'une Muse qui cherche une écoute auprès d'une humanité absente.

Hésiode - C'est vrai, autrefois l'homme regardait vers le ciel. Il lui était nécessaire de comprendre quel était l'exemple, quel était le modèle ; quelle était l'inspiration à suivre, pour s'orienter dans le mystère de l'existence. Je rencontrai ma Muse. Je me souviens, elle me dit qu'elle aimait se tenir où vivent les hommes, pourtant un peu à l'écart, sans chercher quiconque en particulier, conversant seulement avec qui sait parler. Hélas il n'en est plus ainsi, comme l'affirment tes vers avec justesse. Aujourd'hui ce sont les Muses qui s'essoufflent dans leur quête de l'homme, mais celui-là même qui hier les invoquait, désormais les ignore, affairé qu'il est à faire commerce de la douleur.

Scribe - Pourquoi viens-tu ici me dire ces choses ?

Hésiode - J'ai entendu ta plainte errer dans les limbes. J'ai cueilli le sens de tes pleurs, pour la poésie bafouée, pour la loyauté à l'écrit méprisée ; ta peine pour les hommes ignorants du sens de leur vie ; ta douleur pour la mort des poètes suicidés. Mon ultime espoir s'est alors ranimé.

Scribe - Est-ce que tu veux dire que quelque chose peut encore rompre le cercle de la bêtise et de l'avidité humaines ?

Hésiode - Non. Rien ni personne ne peut le faire. Seul l'homme lui même peut décider d'interrompre son propre jeu mortel. Seul l'homme peut s'arrêter et comprendre. Mais, à ce moment-là, il devra trouver quelqu'un qui lui fera souvenir que la vie est modèle. S'il ne rencontre que le vide, il ne pourra que reprendre son jeu.

Scribe - Comment mon humble métier peut-il affiner une voix et la rendre telle que les hommes daignent l'écouter, si j'ai bien entendu ta requête ?

Hésiode - Invoque les muses ; parle avec elles, toi, qui le peux encore. Fais que les aspirations les plus hautes te guident. Ne te laisse pas décourager par l'humanité, mais laisse-toi exalter par les dispositions humbles de l'homme, les seules qui sachent atteindre le sens des dieux. La fatigue de ton apprentissage silencieux sera la mesure avec laquelle tu seras jugé. De cette façon le sacrifice du poète ne sera pas vain.

Scribe - Mais dis-moi : si l'âme et la plume voudront bien soutenir ma tentative, par où donc commencer ?

Hésiode - Je te confie le conseil qui me fut alors donné : Essaie de dire aux mortels ces choses que tu sais.





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